Particules énergétiques solaires et vols comerciaux

C. Briand (LESIA), F. Trompier (IRSN), B. Cecconi (LESIA), Y. Hello (LESIA)

Résumé

Depuis plusieurs années, l’IRSN et le LESIA travaillent à la surveillance des particules ionisantes et à la modélisation de leurs effets sur les personnels navigant à travers le service CERCLe. Le projet que nous proposons vient compléter ce travail en mesurant directement le rayonnement lors des déplacements en avion des personnels du LESIA. Il s’agit en effet d’équiper les chercheurs avec un détecteur de radiation calibré et mesurant toutes les données du vol en temps réel. Les données seront ensuite transmises sur un site dédié. Le but est d’améliorer les modèles notamment lors d’évènements à particules (SEP), les modèles actuels se basant sur un nombre très faibles de mesures.

Rayonnement galactique et surveillance de particules énergétiques solaires à l’altitude des vols comerciaux

À l’altitude des vols commerciaux, les passagers et les membres d’équipage sont exposés au rayonnement cosmique à un débit de dose environ dix fois à cent fois plus élevé qu’au niveau du sol. En ce qui concerne les travailleurs nucléaires, la surveillance et le suivi des rayonnements sont obligatoires pour les équipages exposés à plus de 1 mSv par an, conformément à la réglementation européenne. La dosimétrie de l’équipage aérien est aujourd’hui effectuée de manière routinière par calcul pour un grand nombre d’équipages aériens dans le monde. Cette approche numérique a été validée par comparaison avec de nombreuses mesures embarquées effectuées avec des instruments adéquats tels que le compteur proportionnel équivalent tissulaire (TEPC). Dans le cas des particules énergétiques solaires (SEP) classées comme les Ground Level Events (GLE) détectés au niveau du sol, les débits de dose aux altitudes de vol sont significativement augmentés, ce qui conduit à une dose supplémentaire qui doit également être prise en compte pour les enregistrements de dose des équipages. Certains logiciels de dosimétrie de routine donnent une estimation de ces doses supplémentaires. Néanmoins, les modèles utilisés pour la dosimétrie sont basés sur très peu de mesures en vol pendant des GLE. Il existe manifestement un besoin évident de données de mesure supplémentaires pour améliorer les modèles. Il existe très peu de programmes de mesures en continu à bord des avions. De plus, pour augmenter la probabilité d’avoir des détecteurs en vol pendant un GLE et si possible à différents endroits, un nombre suffisant d’avions devrait être équipé, ce qui est actuellement extrêmement compliqué du point de vue opérationnel. En outre, ce type de programme devrait être maintenu pendant de longues périodes (décennies). Depuis 2000, seules 4 GLE étaient suffisamment significatives pour générer une dose supplémentaire mesurable.

Compte tenu de toutes ces contraintes, le développement de projets de science citoyenne pour la surveillance des rayonnements dans l’environnement (voir par exemple projet OpenRadiation ou Safecast), un projet scientifique dédié aux GLE peut être proposé grâce notamment à la disponibilité et l’accessibilité de petits détecteurs de rayonnements pour le public. En effet, un certain nombre de passagers effectuent déjà des mesures dans des avions avec différents types de détecteurs (tubes GM, photodiode ou CMOS). Un projet de science citoyenne visant à collecter ces données mesurées, à augmenter le nombre de mesures fournies par le public, à développer des dispositifs de mesureshttps://www.openradiation.org/ bien adaptés et calibrés serait très utile à la communauté scientifique tout en permettant de sensibiliser le public à ces sujets. Dans ce cadre, la participation des chercheurs du LESIA semble opportune compte tenu du nombre de voyages effectués chaque année. Le détecteur sélectionné est léger et facile à utiliser.

Le détecteur

Le détecteur choisi est le bGeigieNano. Il mesure les rayonnements α, β et γ. Les rayons cosmiques ne sont pas directement mesurés mais l’étalonnage précis de l’instrument effectué par l’IRSN permet également de déduire le niveau de ces radiations. L’avantage de ce détecteur est d’inclure un GPS. Ainsi, les mesures sont stockées automatiquement avec l’emplacement exact (latitude, longitude et altitude), à raison d’une mesure toutes les 5 secondes. L’autonomie (batterie et mémoire) de l’appareil est suffisante pour stocker des informations pendant 12 heures de vol. Il est protégé par une coque en plastique et pèse environ 500 g, ce qui permet de le placer en toute sécurité dans un sac de cabine pour effectuer des mesures pendant le vol.

Les données sont ensuite téléchargées sur le site Web de SafeCast, et également incorporées dans le site Web OpenRadiation.

Les premières mesures

B. Cecconi et Y. Hello ont accepté de prendre un détecteur gracieusement prêté par l’IRSN pour effectuer les premières mesures lors de leurs récents déplacements.

Fig. 1
Fig. 1

Carte d’un trajet au-dessus des Etat-Unis, entre 40 et 45° de latitude.

Fig. 2
Fig. 2

Profil du vol au-dessus des Etats-Unis

Fig. 3
Fig. 3

Nombre de Coups Par Minutes en fonction de l’altitude, lors du vol au-dessus des Etats-Unis (voir Figures 1 et 2)


Si le nombre de Coups Par Minutes (CPM) est de l’ordre de 30 au niveau du sol, il dépasse les 1000 au-dessus de 10km d’altitude (de l’ordre de 2 microSievert/h).

Yann Hello s’est lui dirigé vers l’île de La Réunion. Il est intéressant de comparer les CPM en fonction de la latitude lors de deux trajets couvrant des latitudes différentes (Fig.4 et 5). On peut noter sur la figure 5 une légère diminution du CPM autour du franchissement de l’équateur.

Fig. 4
Fig. 4

CPM vs. latitude lors d’un trajet de Los Angeles à Paris.

Fig. 5
Fig. 5

CPM vs. latitude pour un trajet de Paris à Saint-Denis de la Réunion

Voir aussi une étude récente menée par des étudiants (date du 04/10/2018)