Compte-rendu de l’atelier "NanoSatellites et Météorologie de l’Espace"

Compte-rendu de l’atelier “Nanosatellites et Météorologie de l’Espace”
Grenoble 11-12 juin 2015

Rédacteurs : M. Barthélémy (IPAG/CNRS), C. Briand (Observatoire de Paris/CNRS), B. Cecconi (Observatoire de Paris/CNRS), M. Kretzschmar (LPC2E/CNRS), J. Lilensten (IPAG/CNRS), F. Pitout (IRAP/CNRS), N. André (IRAP/CNRS)

Les 11 et 12 juin à Grenoble s’est tenu un atelier sur la thématique « Nanosatellites et Météorologie de l’espace. ». Il a rassemblé 33 participants de différents laboratoires français et quelques industriels de la région grenobloise. Cet atelier a été possible grâce au soutien de l’IPAG, de l’Observatoire de Paris à travers son axe fédérateur ESTERS, et l’OSUG.
Cette rencontre fait suite à trois autres ateliers qui ont au lieu depuis un peu plus de 2 ans :

  • Atelier du groupe SHM du CNES, en préparation du Séminaire de Prospective Spatiale de 2014 : Quels débouchés pour les nanosatellites, Meudon, Novembre 2013
  • Journée ESEP : L’exploration spatiale du systèmle solaire : l’apport des nanosatellites, Jussieu, Décembre 2014
  • Atelier CNES sur les nanosatellites, Paris, Avril 2015.

L’atelier de Grenoble avait pour but de faire un état des lieux des besoins et des opportunités apportés par les nanosatellites dans le domaine spécifique de la Météorologie de l’Espace. La discussion s’est portée sur les aspects scientifiques et techniques des projets, et dépassant le cadre des projets pour étudiants.

Des technologies adaptées

Lors de ces deux journées plusieurs projets réalisés ou en cours de réalisation ont été présentés :

  • Plusieurs projets dans le cadre du programme JANUS du CNES, avec notamment les programmes à vocation astrophysique suivants :
    • Eye-Sat (Avril 2016) : vol en formation de trois satellites, avec un double objectif scientifique : (a) la cartographie de l’intensité et de la polarisation de la lumière zodiacale dans le domaine visible et le proche infra-rouge, (b) l’imagerie globale profonde de la Voie Lactée à 360° dans le domaine visible et proche IR.
    • IGOSAT (fin 2017) : pour la mesure du flux et du spectre des électrons de 1 à 20MeV et des gammas dans l’anomalies Sud Atlantique et les cornets polaires ;
    • CASAA-SAT (Fin 2017) : caractérisation de l’anomalie Magnétique de l’atlantique Sud ;
    • METEOR (2018/2019) : Détecter et caractériser des météores par photométrie et spectroscopie UV ;
    • CIRCUS (2018/2019) : Etudes in-situ des couches ionosphériques dans le domaine radio.
  • NanoMagSat : observation du champ magnétique terrestre et de son environnement ionosphérique.

Tous ces projets montrent que les technologies miniaturisées existent pour l’imagerie visible, UV et IR ainsi que pour des spectromètres visibles, des instruments particules ainsi que des mesures des champs électriques et magnétiques. Plusieurs présentations sur ces domaines ont été proposées. Toutes ces mesures sont nécessaires pour affiner nos modèles ionosphériques et magnétosphériques, ainsi que sur les couplages vent solaire-magnétosphère.

Des Opportunités Diverses

Des concepts de mesure et des configurations de missions particulièrement innovants ont été évoqués, telles des systèmes interférométriques à très longues bases, des systèmes déployables, des missions basses altitudes (300 km), etc.
Plusieurs grands axes se dégagent des discussions :
On peut distinguer 2 grands types de missions nanosatellites :

  1. Les missions s’appuyant en grande partie sur une technologie déjà disponible (par ex. les cubesats). Elles permettent une bonne réactivité (temps de développements courts) à des coûts raisonnables (l’utilisation de composants sur étagères, voire de faible TRL). Elles sont adaptées aux initiatives locales et peuvent être utiles pour tester des technologies nouvelles, augmenter leur TRL. Elles sont aussi adaptées pour des mesures nécessitant des couvertures spatiales étendues, ou pour le suivi long terme de phénomènes (notamment pour éviter les interruptions d’observation), grâce au déploiement d’une flottille pouvant être renouvelée en cas de panne.
  2. Les missions nécessitant un développement plus important. Elles concernent les missions spatiales pour lesquelles une plateforme unique n’est pas adaptée aux besoins scientifiques, comme les missions multi-satellites visant une couverture spatio-temporelle importante ou des systèmes interférométriques. Ces dernières seront lourdes à mettre en place et nécessiteront des modèles de développements proches de ceux du spatial classique.

Cette distinction montre qu’il y a bien une place pour des missions sur nanosatellites. La première catégorie est basée sur un « cycle court » de développement et un coût réduit. La seconde entre dans la catégorie des missions spatiale scientifiques classiques, mais avec une instrumentation sur plateforme répartie (par exemple, en essaim). Ces deux concepts de plateformes nanosats peuvent être déclinées en terme d’objectif de mission :

Questions ouvertes

La question des données, de leur qualité, de leur mise à disposition a été évoquée. Les difficultés d’étalonnage et surtout d’inter-étalonnage ont également été abordées. Les représentants de la base MEDOC et du CDDP ont montré leur intérêt pour les données de ces types de mission. La coordination des standards et des modèles doit également être envisagée en particulier pour permettre des procédures d’inter-étalonnage. Cette difficulté pourrait être allégée si des senseurs « absolus » sont sélectionnés (par exemple, la mesure de la densité et de la température du plasma par avec un récepteur radio « bruit thermique »).
La frontière entre météo de l’espace scientifique et opérationnelle est encore floue en ce qui concerne les mesures spatiales.
Peut-on utiliser les « déboires » des nanosats (taux de pannes, charge électrique, perte d’altitude) pour en déduire des paramètres utiles en terme de météo de l’espace ?

Recommandations

Plusieurs recommandations ont été émises par les participants visant à une meilleure communication et coordination au sein de la communauté :

  1. Etablir une liste de diffusion pour les personnes intéressées par la météorologie de l’espace via les nanosatellites. Cette liste pourrait être modérée par le groupe SHM du CNES ou par le PNST ;
  2. Proposition d’une CCT (Communauté de Compétence Techniques) du CNES sur la météorologie de l’espace et les nanosatellites ;
  3. Rédiger une page web recensant les projets spatiaux « nanosat » liés à la météorologie de l’espace. Cette page pourrait également être maintenue par le groupe SHM ou par le PNST. Les responsables de ces expériences seraient invités à envoyer aux gestionnaires de cette page une fiche d’une page A4.
  4. Identifier les verrous technologiques communs aux problématiques nanosat et météo de l’espace (propreté EM, communication en essaim, etc) ;
  5. Améliorer la communication entre les acteurs européens, par exemple en structurant la communauté au sein d’une action COST ;
  6. Conserver la philosophie nanosat et explorer toutes les potentialités de ces nouvelles plateformes. Il s’agit à la fois de garder la possibilité de développer un nanosat rapidement et/ou localement (en particulier à base de cubesat), tout en étudiant l’ensemble des possibilités qu’offrent les nanosats, notamment en terme d’essaim ou de vol en formation, d’intégration des instruments ;
  7. Continuer les discussions lors des journées PNST en Mars 2016 en particulier pour identifier les grandeurs observables de la météorologie de l’espace adaptées aux nanosatellites.

Conclusion

Il apparaît clairement que si ce domaine est très prometteur, il est encore au niveau français balbutiant et nécessite de gros efforts de coordination aussi bien au niveau national que vers l’international. Cette coordination touche à la fois les sources de financement (opportunités nouvelles à travers les « campus spatiaux ») et les profils de missions eux-mêmes. Les recommandations formulées dans ce document peuvent ouvrir la voie d’une vraie météorologie de l’espace soutenue par des “balises” orbitales réparties et simples, à l’instar de la météorologie classique.

L’ensemble des présentations de cet atelier est disponible sur le site de la conférence.